
Pourquoi ?
J’ai grandi dans un monde qui était celui de la «Guerre froide» opposant les deux superpuissances qu’étaient alors les USA et l’URSS: d’un côté, le capitalisme triomphante dans une démocratie politique libérale et imparfaite; de l’autre, le prétendu «socialisme réel» fondé sur la collectivisation et l’autorité sans partage d’un parti unique se revendiquant de l’héritage communiste d’un marxisme-léninisme supposé préparer des lendemains radieux. À l’époque, l’équilibre de la terreur a permis de pratiquer la coexistence pacifique (sinon dans les pays tiers, objet des rivalités et des appétits de conquête ou de contrôle des deux grandes puissances)
Quand j’ai atteint la maturité, le bloc soviétique s’est effondré et l’on a cru pouvoir enregistrer les dividendes de la paix, d’autant plus que la Chine, en entendant se moderniser, participait à cette mondialisation de l’économie qu’on avait annoncée heureuse. Et entretemps, les contrecoups de la très longue guerre d’Afghanistan ont contribué à développer le terrorisme islamique à grande échelle.
Les changements d’ères sont plus étalés que les changements d’heure. Le XXe siècle a pu commencer en 1914 (Première Guerre mondiale, ce grand suicide européen) ou en 1917 (Révolution d’octobre en Russie); il se sera terminé entre 1989-1991 (dissolution du bloc de l’Est, puis fin du communisme en Russie) et 2001 (attentats islamistes du 11 septembre à New York) — et peut-être même en 2014, avec l’invasion de la Crimée par la Russie de Poutine.
En tout cas, en 2024, nous avons très clairement changé d’ère après ce qui aura pu s’avérer une période de transition cahotique. Les pièces du puzzle sont en place: l’extrême droite a pris le pouvoir aux États-Unis et, en Europe, l’exception de quelques régimes comme celui d’Orban pourrait cesser d’être l’exception; Vladimir Poutine poursuit, de la manière brutale qu’on sait — à l’intérieur comme à l’extérieur — son triste œuvre de restauration de l’impérialisme russe, manipulations numériques et interventionnisme plus ou moins souterrain en plus; la Chine de Xi Jinping poursuit ses propres objectifs expansionnistes dans tous les domaines. La géopolitique du monde a changé de paradigme, non sans conséquences en Europe et en France, dans un contexte de post-vérité qui privilégie la croyance — réelle ou cyniquement utilisée — sur la raison et sur les faits, et où toutes les falsifications sont justifiées par leurs auteurs.
Puisque j’évoquais nos sociétés, nous mesurons les dangers qu’elles ne se défassent, sur fond de fantasmes, d’essentialisations, de problèmes qui se présentent aussi sous des jours nouveaux, de contradictions encore qu’attisent parfois de façon complémentaire quoique centrifuge, des idéologues multiformes de la division.
À tout cela s’ajoutent évidemment les enjeux environnementaux. Leur déni au nom du profit à courte vue est dramatique pour l’avenir du genre humain (la planète a encore un milliard d’années pour s’en remettre); les bouleversements climatiques (qui ne se bornent pas au réchauffement), les atteintes à la biodiversité se font déjà sentir. Les replis autoritaires ne peuvent que les accentuer: les démocraties sont elles aussi malade, et aujourd’hui minoritaires. Raison de plus pour ne pas désespérer.
Comment ?
Essayer de comprendre le monde (mais aussi ce qui se passe en Europe et en France) est un exercice qui me semble aujourd’hui nécessaire pour ne pas penser à la lumière d’un passé révolu selon des schémas d’analyse révolus. Je m’y livre ici pour moi; je laisse ces contributions à disposition de qui y voudra bien, par choix ou par hasard, porter un regard.
À dire vrai, la question n’est pas de réagir aux évènements fugaces, aux provocations verbales des uns ou des autres qui conduisent à de peu amènes commentaires. Privilégier le fond, mettre en perspectives, contribuer à en tracer, peut-être. Faire face aux ébranlements du monde et de nos sociétés certes, mais d’abord en prenant un nécessaire recul pour ne pas se contenter de réagir aux flux d’informations… ou de désinformations.
À l’ère où domine le simplisme des phrases choc (en franglais moderne: punchlines) et des messages ultracourts, il est bon d’approfondir les choses, de ne pas renoncer aux textes longs, de donner des indications ou des références accessibles à celles ou ceux qui n’auraient pas forcément tous les codes… et tous les décodages.
Chemins de traverse
Un des enjeux du moment est de ne pas laisser dévoyer la notion de République: res publica, cette chose publique qui doit redevenir une chose commune, sans doute au sens de commun. Et, quoique ce terme soit galvaudé, voire détourné et trahi par d’aucunes ou d’aucuns, j’aurai l’occasion d’y revenir – y compris sur le vaste, et sans doute complexe, sujet de la laïcité.
Comme j’y ai consacré une large partie de mon existence dans le cadre syndical, je ne m’interdis pas d’autres incursions sur éléments historiquement constitutifs de la République à la française que des forces rétrogrades, parfois sous couvert de modernisme, voudraient déconstruire avec ou sans tronçonneuse: l’éducation ou la Fonction publique (plus largement les services publics).
Et puis, ce blog me servira aussi à répertorier ou intégrer quelques documents d’archives, notamment des travaux personnels, notamment des recensions de lecture en précisant la source.
Je suis et je reste un homme de gauche, en quoi il faut entendre que les questions de justice et de progrès social, de solidarité et de liberté restent des enjeux essentiels qu’il faut continuer à promouvoir… quels que soient les troubles du monde.
Luc BENTZ
mars 2025

Je suis né en 1954. En France, c’était sous le gouvernement Mendès France (je vous parle d’un temps que non seulement les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, mais dont je n’ai aucun souvenir moi-même).
Instituteur puis professeur des écoles, j’ai exercé pendant une bonne partie de ma carrière des responsabilités syndicales dans ce qui fut jadis la FEN et aujourd’hui l’UNSA. Militant socialiste de l’après congrès d’Épinay, je n’entends pas ici faire œuvre partisane, bien que mon expression reste militante mais au sens le moins discipliné et le moins guerrier possible. J’essaie de voir les choses à la fois avec de la hauteur (pas forcément de Sirius), mais aussi de mon microcosme personnel, à Sarcelles-Plage où je vis en citoyen engagé depuis plus de trente-cinq ans.
Je me méfie — à commencer par moi-même — des propensions à s’enfermer dans les invectives (même si la colère n’est pas toujours illégitime) et à ne penser qu’à l’abri déformant de son silo. Je suis prêt aux échanges raisonnés, mais pas ici: on peut me retrouver sous le ciel bleu.
(Sinon, il m’arrive aussi de faire, en amateur de très modeste rang, mais en amateur, de la photo. Celles que je reprends ici seront créditées «LBz».)